Dans les accompagnements que je propose autour de la sexualité consciente, il est fréquent que des personnes arrivent avec cette question – parfois en apparence légère, mais en réalité lourde de conséquences : « Est-ce que je l’aime… ou est-ce que je suis juste amoureux·se ? »
Si cette interrogation vous traverse, d’abord, respirez. Vous n’êtes pas seul·e. Et surtout, c’est une excellente nouvelle : cela signifie que vous cherchez à sortir du pilotage automatique amoureux, pour aller vers une forme de relation plus consciente, plus alignée.
Aimer et être amoureux·se : deux états, deux dynamiques
L’un des premiers travails que je fais avec mes clients, c’est de les aider à différencier ces deux états. Parce que les confondre, c’est comme vouloir conduire une voiture de sport avec les codes d’un vélo de ville : on s’épuise, on abîme les pneus… et on finit par penser que c’est la voiture le problème.
Or, la différence est claire. Et elle change tout. Voici comment je l’explique souvent en séance :
- Être amoureux·se, c’est une expérience émotionnelle intense, souvent soudaine, avec un effet euphorisant. C’est l’élan. L’attirance chimique. L’adrénaline du début.
- Aimer, au contraire, c’est un engagement du cœur ET de la conscience. C’est une présence qui s’installe et se construit. Moins spectaculaire que l’état amoureux, mais bien plus profond.
Cela ne veut pas dire que l’un est meilleur que l’autre. Ils ont juste des fonctions différentes. Le souci, c’est que notre culture idéalise le premier (merci les comédies romantiques), et dévalue souvent le second comme s’il était « tiède » ou « confortable ». C’est faux. Aimer demande bien plus de courage que de tomber amoureux·se.
Ce que les neurosciences nous révèlent sur nos états amoureux
Un rapide détour par le cerveau. Quand on tombe amoureux·se, notre système limbique – le centre émotionnel de notre cerveau – s’active à fond. Dopamine, ocytocine, adrénaline… un véritable cocktail chimique s’active, souvent similaire à celui d’un cerveau sous cocaïne. Autrement dit : on plane, on idéalise, on projette.
Mais cette phase a une durée de vie limitée : entre six mois et deux ans selon les études. Ensuite, les hormones redescendent, la réalité (celle de l’autre, la vôtre) réapparaît… et là, soit vous passez de « amoureux·se » à « aimant·e », soit vous vous dites : « On s’est éloignés », alors que vous venez en fait de quitter le nuage hormonal initial.
Comprendre cette mécanique est fondamental. Parce que si vous confondez l’amour avec l’état amoureux, vous pourriez croire que c’est fini… alors que c’est peut-être juste en train de commencer.
Du cabinet aux relations : ce que j’observe sur le terrain
Je me rappelle de Claire, 38 ans, venue me consulter après une rupture difficile. Elle me dit quelque chose qui m’a marquée :
« Quand j’étais avec lui, je n’étais plus aussi excitée qu’au début. J’avais l’impression que je n’étais plus amoureuse. Alors je suis partie. Et aujourd’hui, je pleure tous les jours en repensant à sa façon de prendre soin de moi, à nos discussions, à notre soutien mutuel… Ça, ce n’était pas de l’amour ? »
La réponse est : si, probablement. Elle avait confondu la baisse du pic émotionnel avec une absence de sentiment. C’est un piège courant, surtout dans une société qui capitalise sur l’intensité plutôt que sur la présence.
À l’inverse, j’accompagne aussi des personnes qui s’accrochent à une relation où il n’y a plus (ou jamais eu) d’amour véritable. Juste une dépendance au shoot chimique initial, ou une volonté d’éviter la solitude. Là aussi, remettre de la clarté change la donne.
Pourquoi cette distinction change tout dans nos relations
Reconnaître la différence entre aimer et être amoureux·se, c’est se donner le choix. C’est sortir de la confusion pour y voir plus clair dans l’intimité comme dans le quotidien.
Quand vous êtes capable d’identifier que vous êtes surtout dans l’état amoureux·se :
- Vous pouvez savourer ce moment sans faire de projections irréalistes (non, il·elle ne « sauvera » pas votre vie, désolé·e).
- Vous pouvez prendre le temps de découvrir l’autre en dehors du filtre hormonal.
Et quand vous identifiez que vous aimez vraiment :
- Vous pouvez choisir d’investir dans la relation avec lucidité, même si l’excitation n’est pas quotidienne.
- Vous pouvez voir les conflits différemment, comme des leviers de croissance au lieu de preuves de désamour.
En fait, savoir où vous en êtes vous permet de recontacter votre liberté intérieure. Et ça, c’est le plus grand cadeau que vous pouvez vous faire (et faire à l’autre).
Et l’amour conscient dans tout ça ?
Si vous lisez ce blog, vous savez qu’on n’est pas là pour valider les schémas relationnels automatiques. L’amour conscient, c’est une invitation à regarder de plus près ce qui se joue en nous dans le lien : les automatismes, les blessures, les projections… mais aussi les élans sincères, la tendresse, la présence véritable.
Dans l’amour conscient :
- On ne cherche pas à rester « amoureux·se » à tout prix, mais à cultiver l’amour avec maturité.
- On utilise l’énergie de l’état amoureux – quand elle est là – pour ouvrir des espaces d’intimité plus profonds, sans en faire une norme.
- On sait traverser les passages plus plats ou plus rugueux, parce qu’on a appris à s’aimer soi-même suffisamment pour arrêter de fuir au moindre inconfort.
Dit autrement : on ne se quitte pas parce que la magie hollywoodienne s’est dissipée. On se demande si, une fois nus face à l’autre – au niveau du cœur, du corps, de l’âme et de l’ego – il y a encore un espace d’amour sincère, d’envie partagée, de co-création possible.
Des clés concrètes pour y voir plus clair
Voici quelques questions simples (mais puissantes) à vous poser si vous vous demandez où vous en êtes :
- Est-ce que j’aime l’être qu’il·elle est maintenant, ou uniquement l’image que j’avais de lui·elle au début ?
- Quand je pense à cette personne, est-ce que je me sens plus détendu·e ou plus angoissé·e ?
- Est-ce que je me sens libre dans ce lien, ou est-ce que j’en dépends pour me sentir bien ?
- Est-ce que j’ai envie de construire avec l’autre, même dans les jours normaux (pas seulement sur la plage au coucher du soleil) ?
Et si vous êtes thérapeute, accompagnant·e ou juste un·e ami·e présent·e, n’hésitez pas à poser ces questions autour de vous. Elles peuvent ouvrir des discussions précieuses.
S’aimer commence par s’honorer soi
Ce que je dis souvent en fin de séance : peu importe si vous aimez, si vous êtes amoureux·se, ou les deux. Ce qui compte, c’est de rester honnête avec vous-même. De cultiver la lucidité, de nourrir votre présence, et d’oser parler vrai dans vos relations.
On ne peut pas « forcer » l’état amoureux à revenir. Ni simuler l’amour durable quand il n’est plus là. Mais on peut choisir chaque jour un peu plus de conscience, d’ancrage, et de vérité dans notre manière d’être en lien.
L’amour conscient, ce n’est pas un état figé. C’est un art de naviguer entre les vagues, sans se perdre, sans se trahir. Et c’est exactement ce que nous sommes en train d’apprendre, ensemble.
À vous de jouer, maintenant. Quelle relation avez-vous envie de nourrir ?