Comment savoir si l’on est en dépression ? Signes à observer pour agir rapidement

Comment savoir si l'on est en dépression ? Signes à observer pour agir rapidement

Quand le moral déraille : ce n’est pas toujours « juste une phase »

« Je suis fatigué.e tout le temps », « J’ai plus goût à rien », « Est-ce que je deviens fou/folle ? ». Ce type de phrases, je les entends presque chaque semaine en séance. Et non, ce n’est pas toujours « un petit coup de mou ». Ce n’est pas juste le changement de saison ou un stress passager. Parfois, ce qu’on appelle à la légère « un passage à vide » est en réalité une dépression.

Dépression. Un mot qui fait peur, qui pèse lourd, et que beaucoup préfèrent éviter. Pourtant, l’ignorer ne l’empêche pas de s’installer. Et plus elle s’installe, plus elle devient paralysante. Alors, comment savoir si l’on est en train de traverser un épisode dépressif ? Et surtout, comment repérer les signes avant qu’il ne soit trop tard ?

Dépression ou gros coup de fatigue ? Pose les bases

La dépression, ce n’est pas juste une perte de vitalité. C’est un état psychique qui touche l’humeur, le corps et le lien à soi. Elle impacte la motivation, l’estime, les relations, et finit parfois par saper même les envies les plus simples : se lever, manger, ressentir du plaisir.

Voici quelques clés pour faire la différence :

  • Un état dépressif dure : on parle d’au moins deux semaines d’humeur triste la plupart du temps dans la journée, quasi tous les jours.
  • Ce n’est pas déclenché par un événement ponctuel, comme une rupture récente ou une perte. Ou si ça l’a été, l’état ne s’améliore pas après une période d’adaptation.
  • Le désintérêt devient généralisé : ce qui faisait du bien avant ne procure plus rien, qu’il s’agisse de manger un bon plat ou faire l’amour.

Les signes subtils mais révélateurs

Certaines manifestations de la dépression passent complètement sous les radars. Voici celles que je retrouve le plus souvent lors de mes accompagnements :

  • L’apathie émotionnelle : « Tout glisse sur moi, je n’ai plus de haut ni de bas ». Ce n’est pas une forme de sérénité zen : c’est la déconnexion émotionnelle typique de la dépression.
  • L’anxiété silencieuse : Un fond d’inquiétude permanent, sans objet précis. Un cœur qui bat vite sans qu’on sache pourquoi, le ventre noué, les idées confuses.
  • Les changements de rythme de vie : Insomnies tenaces ou hypersomnie, perte d’appétit ou grignotages compulsifs. Le corps parle quand la tête ne suit plus.
  • Une libido au point mort : Même les caresses ennuyent, et le désir semble disparu comme évaporé. Ici aussi, ce n’est pas que « le couple bat de l’aile ».
  • Le repli progressif : On décline les soirées, on ne répond plus aux messages, on évite les regards. L’isolement s’installe en mode automatique.

Et puis il y a cette phrase sourde qui revient : « À quoi bon ? ». Dans les cas plus avancés, elle peut se transformer en pensées de fin, fugaces ou obsédantes. Si c’est le cas, il n’y a plus de doute : on ne peut pas rester seul.e.

Une histoire parmi tant d’autres : celle de Luc

Luc avait 37 ans. Père de deux enfants, travailleur autonome dans l’édition, une vie de famille a priori calme. En séance, il me dit : « Je suis vidé, j’ai du mal à me lever le matin, même faire les lessives c’est une épreuve. Je ne comprends pas, je n’ai pourtant aucune raison d’aller mal, tout va bien dans ma vie ». Rien d’extraordinaire n’était arrivé, justement. C’est ce qui l’angoissait le plus.

En creusant, on a trouvé : accumulation de responsabilités, absence de soutien émotionnel, fatigue chronique non reconnue, surcharge mentale invisible. Il portait tout depuis des années. Il avait appris à ne jamais demander. Son système nerveux, lui, a fini par craquer. Sans alarme fracassante, juste une lente extinction.

Pourquoi on met si longtemps à réagir

Le plus grand piège dans la dépression, c’est de croire qu’on doit « faire un effort » pour aller mieux. Beaucoup de personnes me disent : « J’essaye de me reprendre en main, mais rien ne change ». C’est normal. Quand la dépression s’installe, la volonté seule ne suffit plus.

Il y a aussi cette croyance très ancrée dans notre culture : tant que je peux marcher, travailler, m’occuper des autres, c’est que je vais bien. En réalité, on peut être en dépression tout en continuant à fonctionner. C’est même très fréquent. On parle alors de dépression masquée ou à « haut niveau de fonctionnement ».

Mais à quel prix ?

Ce que disent les neurosciences

Le cerveau d’une personne dépressive ne traite pas l’information de la même manière. Les zones responsables du plaisir (comme le circuit dopaminergique) sont moins actives. On observe une augmentation de l’activité de l’amygdale, responsable des réactions de stress, et une baisse d’activation du cortex préfrontal, qui gouverne la prise de décision et le raisonnement rationnel.

Cela explique pourquoi :

  • On rumine en boucle et on a du mal à prendre du recul.
  • Les émotions pénibles paraissent tout envahir.
  • Le désir même de s’en sortir peut disparaître.

Ce n’est pas une question de force mentale ou de volonté. C’est une modification neurochimique réelle. Bonne nouvelle ? Cette plasticité fonctionne aussi dans l’autre sens : la guérison est possible.

Savoir observer chez soi (et chez les autres)

Si tu te reconnais dans les signes évoqués plus haut, sois doux/douce avec toi-même. Inutile de poser une étiquette, mais regarde honnêtement : est-ce que cet état dure ? Est-ce que tu perds ton goût pour la vie ? Est-ce que tu t’isoles sans trop savoir pourquoi ?

Et si tu ne te reconnais pas, peut-être que quelqu’un autour de toi est concerné. Un proche qui a toujours l’air « un peu absent », qui répond en monosyllabes, qui s’efface. Prends le temps de le/la regarder vraiment. D’engager une vraie conversation, sans forcer.

Quoi faire ici et maintenant ?

Voici quelques pistes concrètes pour ne pas rester figé.e.

  • Nommer ce que tu vis : Rien que poser les mots peut déjà soulager. « Je crois que je ne vais pas bien en ce moment » ouvre souvent la porte à des prises de conscience salutaire.
  • Briser l’isolement : Parle à une personne de confiance. Une amie, un thérapeute, un membre de la famille. Rester seul avec ses idées noires est un terrain glissant.
  • Consulter un·e professionnel·le : Thérapeutes, naturopathes, médecins : plusieurs approches peuvent aider. L’important est de trouver une oreille formée pour accompagner ce type d’état.
  • Préserver les rituels simples : Une douche chaude, une balade de 10 min dehors, cuisiner un plat réconfortant. Ce n’est pas anodin. C’est ton ancrage au présent.
  • Respiration et recentrage : Des pratiques comme la cohérence cardiaque ou des respirations en conscience aident à calmer le mental et relancer un minimum d’élan vital.

Et surtout : ne cherche pas à aller bien « tout de suite ». Commence par t’autoriser à ne pas aller bien. C’est souvent à partir de là que quelque chose commence à bouger.

Dernier rappel important

La dépression n’est pas une faiblesse. C’est un signal d’alarme du corps et de l’être. Ce n’est pas une maladie honteuse, mais un processus d’épuisement qui appelle à la transformation.

Et parfois, derrière cette traversée, se cache une renaissance. Mais pour renaître, il faut d’abord s’autoriser à plonger en toute sécurité. Te faire accompagner ne te rend pas faible. Cela prouve que tu as assez de courage pour demander de l’aide quand c’est nécessaire.

Ton ressenti est légitime. Tes états ont une raison d’être. Prends-les au sérieux. Tu n’es ni seul.e ni « cassé.e ». Tu as juste besoin de te reconnecter. Lentement. Authentiquement. Et au bon rythme.